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mercredi 6 avril 2011

Je dois me faire un avis : quel siège choisir ?

L'objet n'est pas réellement attirant ; la voix est horripilante, la chanteuse pas vraiment belle. Les paroles sont nulles et les ficelles sont grosses. Mais justement : que, de bonne volonté, des médiocres tentent de produire une chanson qui entre dans les canons de la musique dominante nous permet d'encore mieux les comprendre, ces canons.
Rebecca Black est une jeune chanteuse californienne de 13 ans, qui collabore à un clip mettant en scène le déroulement de l'un de ses vendredis. Après une matinée normale, Rebecca retrouve ses amis ; une ellipse nous conduit à la soirée, qui est en fait l'un des moments les plus importants de la semaine. En témoigne le calendrier qui défile, courant vers le vendredi, le titre de la chanson bien sûr, ainsi que les paroles :

"Everybody’s lookin’ forward to the weekend
Partyin’, partyin’ (Yeah)
Partyin’, partyin’ (Yeah)
Fun, fun, fun, fun
Lookin’ forward to the weekend"

Sans moralisme excessif, on aurait pu s'attendre à ce que la semaine d'une adolescente de 13 ans ne soit pas toute entière tendue vers la soirée du vendredi. Certes, le clip ne montre ni alcool, ni flirt, mais les filles sont habillées de façon courte et vulgaire, et une foule se presse dans cette soirée qui dure jusqu'au bout de la nuit. Rebecca, elle, y va en voiture avec ses amis, ce qui donne d'ailleurs lieu a un étrange dilemme :


"Kickin’ in the front seat
Sittin’ in the back seat
Gotta make my mind up
Which seat can I take ?
"

Accessoirement, on s'étonne que, même au pays des libertés, des gosses de treize ans aient leur permis de conduire...



En réalité, on peut douter sérieusement du fait que le clip soit représentatif du quotidien de l'adolescent californien moyen. Il s'agit plus vraisemblablement d'un exemple criant, hurlant, s'époumonant, de bonne volonté culturelle : Rebecca, concourant à la réalisation d'un clip, reproduit... ce qu'elle a vu dans d'autres clips.
La bonne volonté culturelle est le comportement des classes moyennes, de la petite bourgeoisie, qui, dans une stratégie d'ascension sociale, tente d'imiter le comportement socio-culturel des classes supérieures. Ici, Rebecca, bien que peu fortunée et pas complétement au fait des codes en vigueur dans les soirées les plus hypes de l'État, tente de montrer que, merde, elle sait s'amuser. Quitte à en faire des tonnes dans l'allégeance au nihilisme de ceux à qui elle souhaite ressembler : le seul message intelligible du clip est celui de la primordialité de l'amusement (et donc, en creux, de l'inanité de toute autre activité) - "I don’t want this weekend to end !". 


On pourrait en faire des pages sur les stratégies de légitimation adoptées ; soulignons seulement l'intervention d'un rappeur sorti de nul part, qui pourrait bien être le père de Rebecca, et qui rappe dans son rétroviseur pour dire que, ouais, ici, c'est cool. Il est le Akon de Gwen Stephani ou de David Guetta : une caution cool et multi-culturelle.



Le clip de Rebecca Black a créée un consensus sur sa médiocrité. Soit. Mais quelle différence d'essence entre ce clip et ceux de David Guetta, de Katy Perry, de Ke$ha ou de tant d'autres ? En essayant d'imiter toute la musique Pop que l'Empire nous balance dans les oreilles à longueur de journée, Rebecca Black fait quelque chose de très ancien...
"Les laquais, en imitant les vices de leurs maîtres, ont toujours l’impression de s’approprier leur puissance" (Voltaire). Ou leur coolitude.

1 commentaire:

  1. Mec, en toute franchise, cet article est super. Si j'avais eu du courage et des mots, j'aurais fait le même. Mais tu l'as fait, alors c'est bon.
    Je le répète, il est très coule cette article.

    Pour enrichir ta base de donnée : http://www.youtube.com/watch?v=uSD4vsh1zDA
    Tu y trouveras matière.

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